chômage en Alsace, l'hécatombe
En un an, entre juin 2008 et juin 2009,l'Alsace a perdu 14700 emplois, soit2,6% des effectifs salariés.
Fin octobre 2009,les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle Emploi étaient au nombre de 106 216,
en augmentation de près de 30% en un an.Et pendant ce temps,certains osent parler
de la fin de la crise...
« Ils »parlent d'une crise économique derrière nous mais ce " nous " ne concerne que leur seule et unique situation. Leur peur de tout perdre d'il y a un an s'est transformée en ce soupir de soulagement qu'ils affichent aujourd'hui. De colossales mobilisations financières ont gommé leurs craintes. Elles ont également permis aux banques de retrouver leurs petits en une santé florissante. Qui sont-ils, ceux dont la réalité est loin, très loin, de celle des salariés. Et pourtant, ces salariés ont largement participé au financement de leur sourire retrouvé. Ces salariés qui eux continuent de subir et de payer une crise dont ils ne sont pas responsables. En Alsace comme ailleurs.
Ils la paient par un pouvoir d'achat au mieux en stagnation, par une protection sociale dont les garanties sont de plus en plus proportionnelles au revenu de leur bénéficiaire, par des menaces sur l'emploi qui se concrétisent de plus en plus. Notre région vit de plus en plus sous la peur du chômage. Une peur réelle pour ceux qui ont subi la destruction de leur emploi, ou celui d'un proche. Une peur d'un avenir qui ne respire pas la sérénité... Le taux de chômage de 8,4% enregistré en Alsace fin 2009 est le plus fort connu par notre région depuis près de 30 ans en progression de plus de 30% en un an.
Si l'Alsace est la région de France qui a connu la plus forte augmentation annuelle de son taux de chômage, elle est également celle qui a connu l'augmentation la plus forte (445,7%) du nombre de demandeurs d'emploi de catégories ABC inscrits depuis plus d'un an. En novembre 2009 en Alsace, un demandeur d'emploi sur trois l'était depuis plus d'un an. La soi-disant exception alsacienne appartient au passé: jamais l'écart entre le taux de chômage de notre région et celui de la France n'a été aussi faible.
Au-delà des pourcentages, c'est le phénomène en lui-même qui est inquiétant. Avec des seuils en nombre jamais atteints. Avec une accélération en Alsace encore plus importante qu'au niveau national. Jamais depuis la seconde guerre mondiale, cette montée du chômage, et donc la chute de l'emploi, n'a été aussi brutale : +30% en Alsace en un an ; + 20% au niveau national. De 82750 en novembre 2008, les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle Emploi (catégories A, B, C) en Alsace sont passés à 106216 en novembre 2009. Et les prévisions de l'Insee ne sont guère encourageantes : après avoir perdu près de 400 000 emplois en 2009, la France en perdrait encore 125000 rien qu'au premier trimestre 2010 :
En Alsace, le recul de l'emploi salarié se mesure à la brutalité de trois chiffres, tous négatifs : en un an les effectifs salariés du secteur industriel ont baissé de 5% ; ceux du tertiaire de 2,1 % ; ceux de la construction de 0,8%. L'industrie alsacienne qui employait près de 200000 salariés dans les années quatre-vingts est passée sous la barre des 135000 salariés aujourd’hui. Entre 2001 et 2009, se sont près de 30000 emplois industriels qui ont disparu dans notre région. La liste annuelle des FSE (plans de sauvegarde de l'emploi) est impressionnante en Alsace. L'an dernier, près de 8000 hommes et femmes habitant notre région ont subi un licenciement économique, soit une augmentation de près de 50% par rapport à l'an dernier.
Le tableau brossé est-il noir, trop noir? Quel serait-il si aux "demandeurs d'emploi" enregistrés comme tels par les services de Pôle Emploi, on ajoutait tous ceux qui échappent aux statistiques tout en étant rejetés en dehors du marché du travail ? Quel serait-il avec tous ceux à qui l'on ne propose qu'un temps partiel pour subvenir à leurs besoins et celui de leurs familles ? Quel serait-il en y incluant les 20000 salariés de notre région issus de l 200 entreprises qui se sont vu mettre au chômage partiel, pour un total de près d'un million d'heures. Pendant longtemps, trop longtemps, la structure économique de notre région a été considérée par les décideurs comme naturellement protégée. Tout se passait comme si le passé entreprenarial alsacien et ses bons résultats en faisaient une exception économique la dispensant de toute évolution de sa structure. Pourquoi anticiper la fin de la période de cueillette « Pourquoi planter de nouvelles variétés d'arbres, pourquoi former les cueilleurs à d'autres métiers '.' Pourquoi, puisque le fruit était encore juteux ?
Et puis, au début! des années 2000, l'image de celte industrie alsacienne a commencé à se lézarder, avec des signes de faiblesse inquiétants.
A l'époque ,quand la CFDT Alsace parlait de crise structurelle, le monde économique et politique alsacien, dans sa très grande majorité, se réfugiait derrière l'argument de la crise con-
joncturelle. Les résultats de cette industrie étaient encore suffisamment conséquents pour leur éviter toute analyse prospective.
Oser émettre l'idée que l'atout de l'Alsace, son industrie manufacturière, risquait un jour de constituer sa faiblesse était considéré comme crime de lèse-majesté dans les milieux patronaux. Celui qui s'aventurait à constater la part des capitaux étrangers dans l'industrie en Alsace, avec des centres de décisions très lointains, était perçu comme l'empêcheur de faire des bénéfices en rond par ceux-là même qui aujourd'hui se lamentent des effets de la globalisation sur l'économie de notre région.
Et puis est survenue cette crise économique et/ou financière qui a percuté toute l'économie mondiale. Notre économie régionale a tout d'abord résisté, mieux peut-être que d'autres. Le plongeon de 2009 n'en a été que plus brutal. Avec des perspectives pour 2010 qui font craindre le pire pour les salaries. A quoi leur sert-il, aujourd'hui et demain, que le monde économique et politique ait enfin accepté que l'Alsace souffrait d'une crise structurelle de son industrie. Le temps n'est plus aux constats, analyses et autres avis... Le temps est à l'action. Les salariés attendent une mobilisation pour l'emploi à la hauteur de celle initiée l'an dernier pour venir au secours du système bancaire.
Florence SCHILLIG
source : "Le travailleur" CFDT du Bas-Rhin